21
Nov
2022

Fabienne d’Arzac, expérience de vie

Le 24 février 2022 l’Ukraine était envahie par la Russie. Des images de guerre à la télévision étaient terribles et ceci se passait à notre porte de l’Europe.

Très vite, j’ai cherché à partir à proximité de la zone de conflit. 

Puis un jour de mars, un coup de fil venant de Barcelone, me propose de partir dans un camp de réfugiés situé à la frontière de la Pologne et l’Ukraine. Là-bas à Médyka, près de 10000 réfugiés par jour passaient la frontière et transitaient par ce camp pour se rendre dans différents pays d’accueil. 

Une des premières ONG à se rendre sur place et à être opérationnelle fut SSF, ONG franco-israélienne. Ce fut donc sous leurs tentes que je fus accueillie pour rejoindre le service médical.

Je suis une Infirmière française ayant de longues années d’expériences humanitaires sur plusieurs continents et en zone de guerre.

Très vite, j’ai compris que SSF ne fonctionnait pas comme d’autres ONG. Ils arrivent les premiers, ils sont les meilleurs. 

Leurs années d’expérience sur le terrain feront d’eux des êtres expérimentés, responsables, avec une organisation dans faille. Ajouté à cela une extrême empathie mettant l’Homme au cœur de leur action. 

C’était parfait pour moi, je me sentais en parfaite harmonie. Chaque jour apportait son lot de nouvelles expériences, des rencontres avec des êtres en détresse, fuyant les atrocités de la guerre et partant pour un exil inconnu. 

Combien de visages tristes et fermés, de regards vides et inquiets ai-je pu croiser…

Mais dans chacun d’entre eux brillait une toute petite étincelle d’espoir, et c’est celle-là qui me faisait vibrer.

Un matin, après une nuit de garde sous la tente réchauffée par des bûches encore tièdes, j’ouvris le battant et mes pas crissaient sous la neige encore immaculée quand j’aperçus au loin sur ce chemin que je connaissais bien la silhouette d’une dame toute courbée sur une poussette dans laquelle dormaient des jumeaux emmitouflés dans une couverture rouge. 

On ne voyait que le bout de leur nez. 

Très vite je compris qu’ils étaient transis de froid et de peur. Leur grand-mère les avait sauvés d’un péril certain d’une ville déjà sous le feu et les cendres. 

Nous étions trois et très vite on leur proposa de venir se mettre au chaud sous la grande tente d’accueil où dormaient encore d’autres femmes dont chaque histoire avait un goût amer, celui de la guerre. La grand-mère s’écroula sur un lit de camp et ses sanglots étaient semblables à une histoire sans parole.

On lui proposa du café chaud et du pain pendant que nous nous occupions des petits. 

Ils étaient blottis l’un contre l’autre, confiants en leur grand-mère qui les chérissait et les avait amenés ici en sécurité.

Pour tout bagage, elle portait avec elle un sac en plastique avec quelques vêtements chauds pour les enfants et un grand châle. 

La pudeur nous interdisait d’en savoir plus. 

Ils étaient là et c’était le plus important.

Une nouvelle page de leur histoire allait se tourner et ce serait à eux d’y écrire les mots qu’ils choisiront d’y déposer.

Elle resta près de notre équipe une demi-journée, le temps de récupérer des forces puis on l’aida à traverser le camp où sereinement, elle monta dans un bus qui l’emmena dans un centre pour réfugiés.

Je fus très marquée par le visage serein de cette femme remplie de dignité malgré la situation extrême qu’elle vivait.

Sa résilience lui permettait d’aller de l’avant.

Où est-elle à ce jour ? 

A-t- elle repassé la frontière pour retrouver les siens en Ukraine ?

Puis, chaque jour était marqué par des histoires semblables.

Je ne savais pas qu’en pénétrant dans ce camp, je recevrai autant de clins d’œil de la vie, autant de messages d’amitié et de partage.

Merci SSF !

Continuez à être les premiers et les meilleurs.

Fabienne d’Arzac

Infirmière 

Carcassonne France