26
Déc
2017

Mission pour les Rohingyas au Bangladesh

Le drame que vivent les Rohingyas ne laisse pas SSF indifférent. Notre association s’est mobilisée pour cette population musulmane, persécutée depuis des années dans leur propre pays, la Birmanie, et qui ont fui vers un pays voisin, le Bangladesh. Désormais, plus d’un million de Rohingyas sont réfugiés au Bangladesh. Une équipe SSF s’y est rendue pour les aider à subvenir à leurs besoins de base : offrir une assistance médicale, et une aide alimentaire.

L’équipe mise en place était composée de 7 personnes : 2 logisticiens SSF, 2 secouristes SSF, et 3 médecins locaux.  

Voici le rapport de mission de notre chef d’équipe, Johanna Geron.

L’équipe est arrivée dans la capitale du Bangladesh, Dhaka, (14 millions d’habitants) et s’est dirigée vers Chittagong (4 millions d’habitants), 300 km plus au sud. Nous nous sommes ensuite basé dans la ville de Cox’s Bazar, encore 150 km plus au sud, quasiment à la frontière avec la Birmanie. Dans ce seul district s’entassent près de 900 000 réfugiés.

La première phase de la mission a consisté à prendre contact avec le personnel hospitalier du Health Care Center, à Kutupalong, près du camp de réfugiés ou des camps de fortune qui comptent aujourd’hui des centaines de milliers de personnes. Nous avons rencontré Dr. Abdun Nur Bulbul, Coordonnateur de santé et Commissaire pour l’aide aux réfugiés et au rapatriement.

Nous avons visité sa clinique qui comprend une salle de vaccination, une chambre d’isolement pour les malades du choléra, une salle d’accouchement, une pharmacie.

Les réfugiés souffrent essentiellement de diarrhées aiguës (choléra), du sida, de la lèpre, d’infection des voies respiratoires, oculaires, de maladies de peau, et même de la peste…Il se dégage d’ailleurs des odeurs pestilentielles…

La majorité de la population rencontrée sont des femmes et des enfants. Il y a beaucoup de femmes enceintes. Les salles de travail pour les accouchements sont très rudimentaires. On note que beaucoup de femmes ont subi des viols.

Nous avons également visité un hôpital de campagne créé par l’ONG malaysienne Humanity Heroes. A la fin de cette première mission médicale, nous leur avons laissé notre surplus de médicaments.
 

Pour la 2ème phase, nous sommes revenus dans le camp de réfugiés de Kutupalong, qui a d’énormes besoins, tant alimentaires, que sanitaires.

Sur place, Dr ESAG, notre représentant SSF avait pu acheter un certain nombre de médicaments à distribuer :   

  • Des analgésiques: paracetamol, ibubrofen, diclofenac, aceclofenac
  • Des anti-biotiques: Amoxilline, ciporfloxacin, Metronidazole, Doxicycline, Cefixime
  • Des anti-allergiques: Chlorphenaramine
  • Des antiemetiques (contre les nausées): Hyosin, Promethazine, Domperidome
  • Des médicaments contre la gastrite: Ranitidime, Aciloc, Omeprazole, Pentoprazole
  • Des anti-fongiques : Clotrimazole,Fluaconazole, Ketokonazole, clindamycin
  • Des anti-parasitaires : Albendazole, Zinc tablets
  • Des enzymes digestives : Aristozymes, Ciprofloxacin, Chloramphencol, Betadin, Vitamin B
  • Des anti-diarrhéiques : Loperamide
  • Corticostéroïdes topiques sous forme de gel (pour inflammation de la peau)
  • Des sachets de réhydratation
  • Des sirops pour la toux
  • Du Salbutamol (contre l’asthme)

Les réfugiés ont d’énormes besoins de soins médicaux et ils souhaiteraient en particulier avoir à leur côté des chirurgiens, des médecins femme, des pneumologues, des O.R.L. et évidemment du matériel de premier secours.

Les réfugiés reçoivent un pack alimentaire par semaine par le UNHCR, et ils revendent au marché noir toute nourriture superflue…

Nous nous trouvons maintenant à Thangkhali du district de Cox’s Bazar, dans les blocs D et E des camps de réfugiés Rohingyas.

J’avais déjà vu des camps de réfugiés (réfugiés Syriens et Irakiens), mais aussi pauvres que celui-ci, jamais.

 Il y a parfois de l’électricité dans les camps, mais ici, il n’y a rien. Pas d’électricité, donc pas de téléphone, pas internet, pas de télé, et très peu de panneaux photovoltaïques.

Nous distribuons de la nourriture, des médicaments, des savons. Il y a un gros problème de d’hygiène dans le camp : les cheveux des enfants sont remplis de poux et de vers…Les enfants ont les dents noires et ne doivent sans doute pas se brosser les dents. Ils n’ont pratiquement pas de vêtements.

 
Notre équipe de 2 médecins locaux ont prêté main forte à des médecins australiens qui avaient construit un hôpital de campagne. Nous avons trouvé des cas très difficiles : ce nourrisson qui souffrait de malnutrition avancée. Sa mère atteinte du typhus ne l’avait pas nourri depuis 3 jours…

Les réfugiés meurent de malnutrition, du choléra, du tétanos, du typhus, sida, de problèmes pulmonaires, et également du manque d’hygiène, de petites plaies non soignées qui deviennent des infections graves… Les femmes peuvent aussi mourir lors d’accouchement.

Nous sommes toujours à Thangkhali, dans les block C & D.

Nous avons créé un hôpital de campagne dans la jungle pour soigner la population mais nous avons été vite débordés. Il faudrait pouvoir créer des espaces sécurisés pour les postes de soins qui sont pris d’assaut… Nos 2 médecins ont soigné 150 personnes, puis nous avons fait du porte à porte…

 

Dans les camps et dans la jungle autour où nous étions, les points d’eau sont contaminés. Mais les enfants y jouent, contractent des maladies de peau, des maladies gastriques. Les femmes se servent de cette eau contaminée pour la cuisine, pour laver les vêtements, elles font boire les animaux. Il y a un cercle vicieux qui se crée : ils tombent malades et contaminent d’autres personnes.

Les réfugiés n’ont pas accès à des produits d’hygiène de base (savon, shampoing) ce qui engendrent la prolifération des parasites et vers.

Pour les aider, on peut certes leur donner de la nourriture mais cela ne sert pas à grand-chose car le UNHCR le fait et tout le surplus est revendu au marché noir, ce qui engendre d’autres problèmes. Je pense qu’on pourrait les aider en les soignant, en apportant du matériel paramédical, en formant les Rohingyas aux gestes de premiers secours, pour qu’ils puissent se prodiguer des soins par eux-mêmes. On peut également leur fournir des vêtements.

Nos conditions de travail étaient assez difficiles mais toute l’équipe a été exceptionnelle et chacun a donné beaucoup de soi.